T. Schwitter: Erinnerung im Umbruch.

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Titel
Erinnerung im Umbruch. Die Fortsetzung, Drucklegung und Ablösung der «Grandes chroniques de France» im 15. und frühen 16. Jahrhundert


Autor(en)
Schwitter, Thomas
Reihe
Pariser Historische Studien
Erschienen
Heidelberg 2022: Heidelberg University Publishing
Anzahl Seiten
334 S.
von
Laurence Crottaz

La thèse à l’origine de ce livre a été défendue à Berne en 2015 par Thomas Schwitter, qui l’a rédigée sous la houlette des professeurs Christian Hesse et Jean-Marie Moeglin. La parution de ce livre, que l’on peut consulter en format papier ou en ligne,1 est particulièrement réjouissante pour les études médiévales. Il n’existait en effet à ce jour pas encore de représentation détaillée du sort que les Grandes chroniques de France ont connu à l’aube de l’époque moderne. L’auteur de cette étude très bien documentée propose ainsi une analyse minutieuse de l’histoire, d’une part, de la tradition manuscrite et de l’édition de ce texte dans lequel le récit canonique de l’histoire de France a été consigné en langue vernaculaire pendant plus de deux siècles, et, d’autre part, de son déclin progressif.

Schwitter présente les continuations des Grandes chroniques ainsi que les récits concurrents, avant d’exposer les mutations de l’historiographie dans le contexte des débuts de l’imprimerie dès 1470. L’auteur analyse la manière dont les crises ayant marqué la France au cours du XVe siècle ont été envisagées et interprétées dans l’historiographie française des décennies suivantes, de même qu’il cherche à déterminer quelles modalités ont permis à certaines représentations historiques de prévaloir. Suivant une approche originale, il étudie la relation entre les efforts entrepris par divers acteurs du Moyen Âge tardif afin d’imposer leur propre vision des faits les plus récents et l’avènement de nouveaux récits venant progressivement mettre un terme à la tradition historiographique dyonisienne.

L’auteur démontre de manière convaincante que la continuation des Grandes chroniques jusqu’en 1458 n’avait déjà plus été rédigée à Saint-Denis, les Chroniques du roi Charles VII du héraut Gilles Le Bouvier ayant été utilisées à cette fin, et non l’Histoire de Charles VII du moine de Saint-Denis Jean Chartier. La première édition (1476/1477) des Grandes chroniques imprimée par Pasquier Bonhomme a combiné les deux chroniques pour sa continuation jusqu’en 1461, son large succès étant dû au renouvellement des tensions avec la Bourgogne et l’Angleterre dans les années 1470. La deuxième édition des Grandes chroniques est commandée par le roi à la veille des guerres d’Italie dans le but d’invoquer la victoire et de rappeler aux nobles quelle gloire durable la loyauté au roi confère. L’imprimerie permettant la circulation croissante d’ouvrages historiques, l’importance des oeuvres conservées dans le trésor de l’abbaye de Saint-Denis est amoindrie. En outre, la domination anglaise forçant Charles VII à se faire sacrer à Reims sans les regalia conservées à Saint-Denis contribue au déclin de l’abbaye royale en tant que lieu de mémoire des rois de France depuis le Moyen Âge central. Les Grandes chroniques cessent finalement d’être éditées et continuées, marquant par là leur fin. Elles sont remplacées par le Compendium de origine et gestis Francorum de Robert Gaguin, par le De rebus gestis Francorum de l’humaniste Paul Émile ou encore par les Chroniques et annales de France de Nicole Gilles, des textes caractérisés par l’inclusion croissante des membres de l’administration royale.

Le choix d’intégrer certains récits plutôt que d’autres à l’historiographie officielle française est déterminé par la vision des évènements les plus récents qui y est dépeinte, selon l’intérêt immédiat que cette représentation a pour certaines personnes. Concernant l’assassinat de Louis d’Orléans, Schwitter dégage ainsi sur la base des chroniques de l’époque trois représentations différentes: la vision bourguignonne, la vision orléanaise et royaliste – qui prédomine un certain temps – ainsi que la vision intégrative. Suite à la reconquête de Paris par Charles VII, il n’est plus question d’entretenir les anciens griefs et de glorifier les agissements du parti bourguignon ou orléanais lors de la guerre civile. La vision intégrative s’impose alors, qui présente les faits de manière nuancée et dénonce les agissements de la haute noblesse au profit des élites parisiennes. Les nobles, facteur d’instabilité politique, sont de moins en moins bien représentés dans l’historiographie française. Au contraire, ce sont les efforts d’une collectivité bien ordonnée qui assureraient la paix. Cet idéal socio-politique correspond au développement de l’administration royale et à la création par Charles VII de compagnies d’ordonnance, une armée permanente lui permettant de ne plus dépendre des nobles. Malgré un danger latent d’anachronisme, Schwitter perçoit la création de cette armée comme un aspect central d’un «früher französischer Nationalismus». Cependant, les indices fournis dans ce livre nous amèneraient plutôt à envisager les compagnies d’ordonnance et les efforts de centralisation du pouvoir comme un premier pas vers la monarchie absolue, l’historiographie de l’époque exaltant l’idéal d’une forte cohésion sociale interne où seul le roi domine afin de maintenir la paix. Il semble que l’auteur n’ait pas envisagé que l’une des raisons du déclin des Grandes chroniques ait justement été la volonté de limiter l’influence de la haute noblesse, le récit dyonisien étant à l’origine bien plus une histoire des grands du royaume que des rois de France.2

Le lecteur de ce livre y trouvera de nombreux extraits de sources imprimées et manuscrites ainsi que des reproductions de miniatures. Schwitter propose une synthèse inédite de l’histoire des Grandes chroniques de France et des autres textes importants de l’historiographie française des XVe et XVIe siècles n’ayant guère été étudiés dans le contexte du développement de l’histoire de France, qui constituent une précieuse base pour de futurs travaux en lien avec l’historiographie française de cette époque.

Anmerkung:
1 https://doi.org/10.17885/heiup.854.
2 Gabrielle M. Spiegel, Les débuts français de l’historiographie royale: quelques aspects inattendus, in: Françoise Autrand, Claude Gauvard, Jean-Marie Moeglin (éd.), Saint-Denis et la royauté, Paris 1999, p. 395–404.

Zitierweise:
Crottaz, Laurence: Rezension zu: Schwitter, Thomas: Erinnerung im Umbruch. Die Fortsetzung, Drucklegung und Ablösung der «Grandes chroniques de France» im 15. und frühen 16. Jahrhundert, Heidelberg 2022. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte 73(3), 2023, S. 369-371. Online: <https://doi.org/10.24894/2296-6013.00134>.

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